Quels facteurs externes sont identifiés dans les publications IRED comme des obstacles majeurs ou, plus rarement, des facilitateurs ?

​Les publications de l’IRED identifient plusieurs facteurs externes influençant l’autonomie financière des organisations africaines. Parmi les obstacles majeurs, on note :​

LES PRATIQUES DES BAILLEURS (CONDITIONS, MANQUE DE SOUTIEN À LA CAPITALISATION) #

Les publications de l’IRED mettent en lumière de nombreuses façons dont les pratiques des bailleurs de fonds peuvent constituer des obstacles à l’autonomie des OD/ONG :

  • Dépendance à l’aide extérieure pour le fonctionnement : Les OD/ONG dépendent souvent de l’aide extérieure pour une part très importante de leurs recettes annuelles (80 à 98%). Cette dépendance crée une habitude de planifier le développement dans cette dépendance.
  • Financement axé sur les projets plutôt que sur la capitalisation : L’aide est souvent accordée pour des projets spécifiques et a une fin. Lorsque l’aide par projet s’arrête (souvent après 10 à 12 ans), les organisations peuvent disparaître si elles n’ont pas prévu de relai. Les méthodes de financement des bailleurs sont souvent inadaptées au financement d’activités économiques. Il est souligné que l’aide devrait prioriser le financement de l’infrastructure et du fonds de démarrage plutôt que les frais de fonctionnement à moyen et long terme des projets productifs.
  • Manque de soutien à la capitalisation et aux fonds propres : Les bailleurs se concentrent souvent sur le financement d’activités spécifiques sans suffisamment soutenir la constitution de fonds propres et de réserves qui permettraient une autonomie à long terme. La logique de l’aide n’est pas celle de l’entreprise, et concilier les deux nécessite d’engager les banques à plus de souplesse et de réclamer de l’aide internationale une adaptation. Il est noté que l’aide s’aperçoit que les volumes financiers d’aide sont marginaux par rapport au “chiffre d’affaires total” (social et économique) de leurs partenaires du Sud.
  • Conditions et exigences des bailleurs : L’aide a ses exigences et ses conditions qu’il faut connaître avant de s’engager. Il est inutile d’envoyer un dossier si les critères imposés ne sont pas remplis. Les bailleurs peuvent avoir des approches et des priorités différentes, certains finançant des micro-réalisations sans vision d’impact régional, d’autres des programmes concrets à résultats “photographiables”, et d’autres de grands projets lourds favorisant le gaspillage.
  • Bureaucratie et lourdeur des procédures : L’accès aux financements de la coopération bilatérale et multilatérale (Banque Mondiale, FIDA, etc.) est souvent difficile en raison de la bureaucratie et de la lourdeur administrative des institutions qui gèrent ces fonds.
  • Subvention des taux d’intérêt : Il arrive que les bailleurs, via les OD, subventionnent les taux d’intérêt des prêts accordés aux membres, ce qui est en réalité un “don déguisé” qui peut créer des distorsions de concurrence à long terme.
  • Évaluation axée sur le taux de remboursement : Les programmes de crédit sont souvent évalués par l’aide internationale sur le seul critère du taux de remboursement final, ce qui peut ne pas refléter l’impact réel sur l’autonomie.
  • Aide liée : L’aide est quelquefois liée, obligeant les organisations à trouver des partenaires/donateurs qui correspondent à leurs propres conditions.

Cependant, l’IRED note également des évolutions positives et des pistes pour améliorer les pratiques des bailleurs :

  • Nécessité de “jouer le jeu” pour les modèles alternatifs de financement : L’application de modèles alternatifs de financement nécessite que les agences d’aide internationale établissent des complicités basées sur la confiance et appliquent les règles avec souplesse pour surmonter les blocages administratifs et financiers.
  • Planification conjointe de la “fin de l’aide” : L’aide internationale devrait planifier avec les associations la “fin de l’aide” en les aidant à créer leurs propres revenus, réserves et capital.
  • Soutien au développement institutionnel : L’aide devrait soutenir le développement institutionnel des partenaires en planifiant avec eux la fin de l’aide [Financer Autrement, mentionné dans].
  • Possibilité de négocier la capitalisation des institutions locales : Pourquoi ne pas négocier avec les agences internationales une plus grande capitalisation des institutions locales sous forme de don ou de crédit, les OD/ONG étant capables de rembourser?
  • Adapter l’aide aux pays à forte inflation : Dans ces pays, l’aide devrait permettre aux OD/ONG de faire face aux effets néfastes de la dévaluation, par exemple en facilitant les transferts de fonds en monnaie forte.

L’ACCÈS DIFFICILE AU CRÉDIT BANCAIRE TRADITIONNEL (“NE PRÊTENT QU’AUX RICHES”) #

L’accès au crédit bancaire traditionnel est présenté comme un obstacle majeur pour les OD/ONG et les populations qu’elles soutiennent :

  • Banques réticentes à prêter sans garanties : Les banques sont très réticentes à accorder des crédits sans garantie aux organisations de développement en raison de leur fragilité perçue. Elles ne prêtent qu’aux riches, c’est-à-dire à ceux qui ont une richesse ou un capital à hypothéquer.
  • Manque d’accès au crédit pour les populations pauvres : Les paysans, les petits entrepreneurs, les artisans, les groupes de femmes ou de jeunes qui n’ont pas de garanties n’ont aucune chance d’accéder au crédit des banques commerciales ou de développement.
  • Inadaptation des banques du Sud : Les banques du Sud sont souvent des reproductions des banques du Nord, avec des structures, des produits (types de crédits) et un fonctionnement théorique inadaptés aux réalités économiques locales. La manière de présenter, de distribuer et de collecter le crédit est à repenser.
  • Procédures d’accès au crédit bureaucratisées et longues : Les procédures d’étude de dossiers et d’accès au crédit des banques de développement sont souvent bureaucratisées à l’extrême et si longues que les producteurs renoncent à introduire leur demande.
  • Défiance envers le secteur informel : Les institutions financières commerciales reconnaissent l’importance du secteur productif informel, mais ne sont pas outillées pour y répondre.
  • Réticence des caisses d’épargne et de crédit à prêter localement l’épargne collectée : Malgré la caution solidaire, les caisses d’épargne et de crédit rencontrent fréquemment des difficultés à prêter dans le même milieu l’argent qu’elles ont rassemblé, entraînant une décapitalisation du milieu. Il faut à tout prix chercher à prêter localement l’épargne rassemblée.
  • Nécessité de garanties bancaires : Obtenir des garanties bancaires est souvent une condition pour accéder au crédit commercial.

Face à ces difficultés, l’IRED met en avant des solutions alternatives :

  • Développement des caisses d’épargne et de crédit locales : Leur création et leur développement sont essentiels car elles sont plus proches des populations. Elles doivent cependant associer davantage les représentants des populations dans leurs décisions et orienter leur gestion vers le développement local et durable.
  • Mobilisation de l’épargne locale et nationale : L’épargne africaine n’est pas négligeable et doit être mieux utilisée. Les tontines représentent un outil privilégié d’épargne traditionnelle. Il faut privilégier et moderniser ce système de mobilisation.
  • Création de banques alternatives : De nombreux acteurs se sont mobilisés pour améliorer la gestion de la finance en créant des banques alternatives.
  • Fonds rotatifs de crédit : La création de fonds rotatifs de crédit remboursables qui capitalisent l’organisation est une solution pour obtenir du crédit.
  • Systèmes de caution solidaire : Les groupes de caution solidaire peuvent faciliter l’accès au crédit.
  • Rôle des organisations d’appui spécialisées dans la garantie : Des organisations comme RAFAD et WWB proposent des systèmes de garantie pour couvrir les risques pris par les banques locales lorsqu’elles prêtent aux OD/ONG.
  • Capital-risque : Le capital-risque peut servir à financer du crédit à court, moyen et long termes.
  • Négociation avec les banques : Il faut provoquer des rencontres avec les banques, discuter des reproches réciproques et examiner concrètement comment travailler ensemble. Certaines banques commerciales peuvent devenir des partenaires privilégiés après quelques opérations réussies.

LE RÔLE (OU L’ABSENCE DE RÔLE) DES POLITIQUES PUBLIQUES NATIONALES #

Le rôle des politiques publiques nationales apparaît ambivalent dans les publications de l’IRED :

  • Manque de soutien aux activités de production vivrière et aux petites entreprises : Les administrations, souvent influencées par le système colonial, traitent en priorité les dossiers concernant les cultures d’exportation, sans effort pour développer les activités basées sur la production vivrière ou la création de petites entreprises.
  • Manque de disponibilité des services d’encadrement pour les petits producteurs : Les services d’encadrement disposant d’équipements et de technologies utiles ne se rendent pas disponibles pour les petits producteurs qui le demandent.
  • Difficultés d’accès aux fonds gouvernementaux et aux lignes de crédit internationales : Bien que les banques nationales de développement reçoivent des fonds pour l’action auprès des producteurs ruraux et urbains et gèrent les lignes de crédit internationales, leur bureaucratie rend l’accès difficile pour les OD/ONG et leurs membres.
  • Potentiel de l’État social et danger de sa régression : Le développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) est étroitement lié au niveau de socialisation des revenus. La pression à la baisse des prélèvements obligatoires joue négativement pour l’ESS. L’émergence de la notion d’entreprise sociale est positive si elle marie efficacité entrepreneuriale et objet social, mais risque d’être négative si elle laisse penser que les entrepreneurs sociaux pourraient se substituer à un État social en recul.
  • Influence des politiques des États et de l’aide internationale sur le progrès économique des associations : La création de conditions favorables au progrès économique des associations dépend beaucoup des politiques et pratiques des États et du système d’aide internationale. Il faut donc réfléchir à comment influencer ces acteurs.
  • Importance de l’engagement politique pour l’accès au financement : La question de l’obtention de taux de crédit inférieurs pour les populations pauvres est politique et nécessite une action locale et internationale de lobbying de la part des OD/ONG.
  • Rôle des autorités locales : Il est important d’obtenir des autorités locales tous les avantages réservés aux fondations, comme c’est le cas en Amérique du Nord et en Europe.
  • Soutien gouvernemental au micro-crédit : L’exemple du projet Janasaviya de la Banque Mondiale au Sri Lanka montre que le gouvernement peut aussi attribuer du crédit aux producteurs.
  • Fonds de garantie publics : Les pouvoirs publics peuvent créer des fonds de garantie pour faciliter l’accès aux ressources bancaires traditionnelles pour les entreprises ne présentant pas de garanties suffisantes.

L’IRED insiste sur la nécessité pour les OD/ONG d’agir sur les décideurs et d’influencer les politiques publiques pour créer un environnement plus favorable à leur autonomie financière et politique.

LE CONTEXTE SOCIO-ÉCONOMIQUE LOCAL (RESSOURCES DISPONIBLES, CULTURE DE L’ÉPARGNE) #

Le contexte socio-économique local a un impact significatif, à la fois comme obstacle et comme potentiel facilitateur :

  • Blocages dus à la pauvreté et au contexte économique : Le contexte économique des pays où opèrent les OD/ONG, souvent marqué par l’histoire coloniale, la dépendance aux matières premières et la consommation de produits finis, crée des blocages. La diminution du prix des matières premières et l’augmentation des coûts des intrants rendent les entreprises non rentables. L’inflation anéantit l’épargne potentielle.
  • Ressources locales sous-valorisées : Souvent, les responsables d’ONG et d’OD ne savent pas mettre en valeur les ressources locales disponibles (terre, eau, hommes, idées) pour constituer un capital local avant de solliciter l’aide extérieure, créant une dépendance dès le départ.
  • Importance de l’épargne locale et de la culture de l’épargne : Plus qu’on ne le croit, l’épargne africaine n’est pas négligeable, mais elle est souvent mal utilisée. Les tontines représentent un outil privilégié de l’épargne traditionnelle, bien qu’elle serve souvent à financer des dépenses sociales non productives. Certaines tontines de personnes riches peuvent atteindre des sommes importantes utilisées pour investir. Il est essentiel de mobiliser et de capitaliser l’épargne existante dans le milieu.
  • Effort propre : Il n’y a pas de développement sans effort propre (en nature, en travail ou en argent) lors du lancement de projets économiques.
  • Rôle des élites locales : Les élites locales qui ont réussi peuvent avoir un devoir de solidarité et être associées par leurs compétences, financièrement, ou en orientant l’argent de leurs tontines vers les activités économiques locales.
  • Développement de l’économie informelle : Le développement des activités des banquiers informels semble lié à la crise économique et au développement de l’économie informelle. Ces activités représentent une alternative importante de création d’emplois et de revenus.
  • Importance d’un tissu associatif structuré et vivant : Les entreprises en milieu rural ne peuvent naître et se développer qu’en s’appuyant sur un tel tissu.
  • Risques liés au contexte : Les risques liés au climat, aux calamités et au manque de sécurité peuvent impacter la viabilité des activités économiques.

L’IRED souligne donc l’importance de s’appuyer sur les ressources locales, de mobiliser l’épargne existante, de valoriser les compétences locales et de renforcer le tissu associatif pour favoriser l’autonomie, tout en étant conscient des contraintes socio-économiques existantes.

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Updated on 15 avril 2025