Les auteurs de l’IRED (Fernand Vincent et autres contributeurs) expriment-ils une critique du concept d’autonomie tel qu’il est parfois promu ou exigé par les bailleurs externes ? (cf. la critique de l'”aide-cadeau” ou des bailleurs qui “réclament l’autofinancement sans en donner les moyens”).

Les auteurs liés à l’IRED, notamment Fernand Vincent et d’autres contributeurs, expriment une critique significative du concept d’autonomie tel qu’il est parfois promu ou exigé par les bailleurs de fonds externes. Cette critique se manifeste de plusieurs manières, en soulignant notamment l’inadéquation de l’aide traditionnelle et les contradictions inhérentes aux exigences d’autofinancement sans soutien adéquat.

Une critique centrale concerne l’approche par projet de l’aide extérieure, qui est jugée peu propice à la création d’un véritable capital et à l’autonomie à long terme des organisations africaines. Bernard Lecomte est cité, remettant en question si cette méthode favorise l’initiative, les efforts propres et la responsabilité des bénéficiaires. L’aide par projet est souvent conçue avant le moment de l’action et hors de son contexte réel, au lieu d’être négociée avec les acteurs locaux en fonction des possibilités et des contraintes sur place. Cette approche peut enfermer les organisations locales dans une rigidité administrative et de gestion qui entrave leur développement autonome.

Les auteurs soulignent que les bailleurs de fonds réclament souvent une augmentation de l’autofinancement sans donner les moyens nécessaires pour y parvenir. Ils notent une contradiction entre le discours des donateurs qui insistent sur l’autonomie et leurs pratiques de financement qui maintiennent, voire augmentent, la dépendance. Par exemple, l’aide est souvent orientée vers des micro-réalisations ou des projets spécifiques avec des durées limitées (3, 5 ou 7 ans), sans prévoir de mécanismes de constitution de réserves ou de capital propre qui permettraient aux organisations de subvenir à leurs besoins de fonctionnement de manière durable. Après la fin de l’aide par projet, les organisations se retrouvent souvent sans relève financière, mettant en péril leur survie.

La notion d'”aide-cadeau” est implicitement critiquée à travers la mise en avant de la nécessité d’un “effort propre” de la part des organisations locales comme point de départ de tout développement. Les banques et les agences de développement exigent souvent une participation financière des demandeurs de crédit (au moins 25% du coût du projet), mais l’apport en travail bénévole, qui constitue souvent une part importante du lancement d’un projet, est rarement pris en compte. Cette perspective suggère que l’aide extérieure, si elle n’est pas complémentaire à un effort local substantiel, peut engendrer une culture de dépendance plutôt que d’autonomie .

De plus, les auteurs mettent en lumière le déséquilibre de pouvoir dans la relation donateur-bénéficiaire. Celui qui détient l’argent a le pouvoir de décider comment, où, quand, à qui et pourquoi l’aide sera attribuée. Les bénéficiaires, souvent dans le besoin, ne peuvent pas réellement négocier avec les donateurs et sont largement dépendants de leurs décisions. Les exigences des donateurs du Nord sont parfois incompatibles avec les objectifs à moyen et long termes des organisations du Sud. Les rapports à présenter sont souvent basés sur des modèles imposés, générant une bureaucratie lourde et un gaspillage de temps et d’argent, sans toujours refléter la réalité du terrain. Les évaluations sont souvent centrées sur le projet financé par le donateur, plutôt que sur le développement institutionnel global du partenaire local.

Fernand Vincent et les contributeurs de l’IRED proposent donc une vision alternative du financement du développement, axée sur la mobilisation des ressources locales (épargne locale, transferts de la diaspora), le développement d’activités économiques génératrices de revenus (vente de produits et services, création d’entreprises), et la constitution de fonds de réserve et de capital propre. Ils insistent sur la nécessité pour les organisations de développement de se professionnaliser et d’adopter des règles de gestion rigoureuses, similaires à celles des entreprises privées, tout en restant fidèles à leur mission sociale.

Les auteurs préconisent également un nouveau partenariat entre les organisations du Nord et du Sud, orienté vers la recherche de l’autonomie du partenaire plutôt que vers sa simple survie ou la satisfaction des attentes des donateurs du Nord. L’aide extérieure est considérée comme un allié potentiellement efficace pour accélérer le processus d’autonomie financière, à condition que les agences de coopération évoluent dans leurs méthodes et acceptent de financer l'”infinançable”, comme les frais de fonctionnement essentiels et la constitution de capital. Ils suggèrent des mécanismes de financement plus souples, des prêts, des garanties bancaires et une participation à la création de capital local.

En conclusion, les auteurs de l’IRED expriment une critique forte et argumentée du concept d’autonomie lorsqu’il est déconnecté des réalités et des contraintes rencontrées par les organisations africaines, et lorsqu’il est exigé par des bailleurs de fonds dont les pratiques de financement ne favorisent pas cette autonomie. Ils plaident pour une approche du développement basée sur l’effort propre, la mobilisation des ressources locales, et un partenariat plus équilibré et à long terme avec l’aide extérieure, qui soutienne véritablement le cheminement vers l’autonomie financière et, par conséquent, l’indépendance stratégique et programmatique des organisations africaines.

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Updated on 15 avril 2025