1. Introduction #

Contexte Général #

L’Afrique contemporaine est le théâtre de dynamiques profondes et souvent contradictoires. D’une part, les organisations de la société civile (OSC), incluant les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations diverses, jouent un rôle de plus en plus affirmé et essentiel dans les trajectoires de développement socio-économique et dans la consolidation de la gouvernance démocratique sur le continent.

[1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19]

Ces acteurs interviennent dans une multitude de domaines, allant de la prestation de services essentiels à la promotion des droits humains, en passant par le plaidoyer pour des politiques publiques plus justes et la surveillance de l’action gouvernementale. D’autre part, le continent reste confronté à la menace persistante et grandissante des flux financiers illicites (FFI). Ces flux, qu’ils proviennent de la corruption, d’activités criminelles ou de pratiques commerciales abusives, drainent chaque année des dizaines, voire des centaines de milliards de dollars hors d’Afrique, privant les États et les populations de ressources vitales pour le développement.

[20, 15, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66]

Ces deux phénomènes majeurs – l’affirmation de la société civile et l’hémorragie des FFI – ne sont pas indépendants. Ils interagissent de manière complexe, soulevant des questions cruciales sur la capacité des OSC à opérer efficacement et de manière indépendante dans un environnement économique et politique souvent miné par les FFI. Les FFI et les OSC peuvent être vus comme deux forces majeures, mais souvent antagonistes, qui façonnent le développement africain. Les FFI détournent les ressources nécessaires au développement, ressources que les OSC s’efforcent fréquemment de promouvoir, de compléter ou dont elles surveillent l’utilisation.

Problématique Centrale #

Ce rapport se propose d’examiner une question fondamentale et pourtant insuffisamment explorée : Comment les flux financiers illicites affectent-ils l’autonomie – comprise dans ses dimensions financière, opérationnelle et politique/stratégique – des organisations de la société civile (OSC, ONG, associations) en Afrique? Il s’agit de comprendre les liens, parfois directs, souvent subtils et indirects, entre l’économie illicite et la capacité d’action indépendante des acteurs non étatiques qui œuvrent pour le développement et la démocratie.

Objectif du Rapport #

L’objectif principal de ce rapport est d’analyser en profondeur les mécanismes par lesquels les FFI influencent l’autonomie des OSC africaines. En s’appuyant sur une analyse critique des données et des perspectives issues de diverses sources documentaires, ce rapport vise à :

  • Clarifier les concepts clés (FFI, OSC, autonomie) dans le contexte africain.
  • Identifier et analyser les différentes voies d’influence des FFI sur l’autonomie des OSC.
  • Mettre en lumière les défis spécifiques rencontrés par les OSC dans cet environnement.
  • Explorer les stratégies de résilience et de renforcement de l’autonomie des OSC.
  • Formuler des conclusions nuancées et, le cas échéant, des pistes de réflexion pour l’action.

Structure du Rapport #

Le rapport s’articule autour des sections suivantes :

  • La Section 2 définit les FFI, en précise les typologies, l’ampleur estimée en Afrique et leurs impacts économiques généraux.
  • La Section 3 dresse un portrait du paysage diversifié de la société civile africaine et explore les différentes dimensions de son autonomie.
  • La Section 4 constitue le cœur de l’analyse, en détaillant les mécanismes par lesquels les FFI affectent l’autonomie des OSC, notamment via le nexus du financement, la corruption et le rétrécissement de l’espace civique, ainsi que les impacts des régulations anti-blanchiment.
  • La Section 5 examine les stratégies et les pistes pour renforcer l’autonomie des OSC face à ces défis, incluant la mobilisation des ressources domestiques, la navigation dans l’environnement réglementaire et le renforcement de la résilience organisationnelle, et propose des recommandations politiques.
  • La Section 6 conclut en synthétisant les principaux constats et en soulignant l’interconnexion des enjeux pour une action future plus cohérente.

2. Comprendre les Flux Financiers Illicites (FFI) dans le Contexte Africain #

Pour analyser l’influence des FFI sur l’autonomie des OSC, il est indispensable de cerner au préalable la nature, l’ampleur et les caractéristiques de ces flux dans le contexte africain

2.1. Définitions et Typologies des FFI #

Le terme “flux financiers illicites” (FFI) est un concept générique qui recouvre une réalité complexe et multiforme. Plusieurs définitions coexistent, mais convergent sur l’idée de mouvements transfrontaliers de fonds liés à des activités illégales ou abusives.

Le Groupe de haut niveau de l’Union Africaine et de la Commission Économique pour l’Afrique (UA-CEA) sur les FFI définit ces derniers comme de l’argent gagné, transféré ou utilisé illégalement. Il s’agit de flux, le plus souvent non enregistrés, qui violent les lois de leur pays d’origine, de transit ou d’utilisation.[21] La Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) parle d’échanges transfrontaliers de valeur, monétaire ou autre, qui est illégalement perçue, transférée ou employée.[22] Global Financial Integrity (GFI) met l’accent sur les mouvements illégaux d’argent ou de capitaux d’un pays à un autre.[40] Le Tax Justice Network (TJN) adopte une définition large incluant les mouvements liés à l’évasion et l’évitement fiscal, aux abus réglementaires, à la corruption, au blanchiment des produits du crime et au financement du terrorisme.

[34, 37, 38]

Ces définitions englobent principalement trois grandes catégories d’activités génératrices de FFI :

  • La Corruption : Cette composante inclut les produits de vols, de détournements de fonds publics, de pots-de-vin et d’autres formes de corruption impliquant des fonctionnaires ou des acteurs politiques.
  • [15, 19, 21, 23, 26, 31, 32, 38, 40, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66, 67]
  • Bien que certaines estimations mondiales situent la part de la corruption dans les FFI autour de 5% [23], ce chiffre pourrait sous-estimer la réalité africaine où le phénomène est particulièrement préoccupant.[23] Des estimations plus spécifiques à l’Afrique évoquent des pertes annuelles dues à la corruption s’élevant à 148 milliards de dollars.[15]
  • Les Activités Criminelles : Il s’agit des revenus générés par le crime organisé transnational, incluant le trafic de drogues, d’armes, d’êtres humains, la contrebande, la contrefaçon, le racket, ainsi que le blanchiment de ces produits et le financement du terrorisme (FT).
  • [21, 23, 26, 27, 32, 33, 36, 37, 38, 40, 41, 45, 66, 67]
  • Le blanchiment de capitaux (BC) et le financement du terrorisme (FT) sont souvent considérés comme des composantes intégrantes des FFI.[21]
  • Les Activités Commerciales Illicites : Cette catégorie, souvent considérée comme la plus importante en volume pour l’Afrique (estimée entre 60% et 65% du total par GFI [54, 66] ou générant 30 à 52 milliards de dollars par an selon la CNUCED [20]), recouvre les pratiques illégales ou abusives dans le cadre du commerce international et des opérations des entreprises, notamment multinationales. Les principaux mécanismes incluent :
    • La fausse facturation commerciale : Manipulation délibérée des prix, quantités ou descriptions des biens et services sur les factures commerciales pour transférer illégalement de la valeur (surfacturation des importations, sous-facturation des exportations, facturations multiples, etc.).
    • [21, 23, 24, 26, 40, 41, 43, 45, 54, 66]
    • Les prix de transfert abusifs : Manipulation des prix des transactions intra-groupe par les entreprises multinationales (EMN) pour déplacer artificiellement les bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité.[29, 41, 46, 66, 68]
    • La fraude et l’évasion fiscales : Dissimulation illégale de revenus imposables aux autorités fiscales (fraude) ou utilisation de montages légaux mais abusifs pour minimiser l’impôt dû (évasion fiscale agressive ou “tax avoidance”).
    • [15, 21, 23, 24, 26, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 45, 46, 50, 51, 53, 54, 66]

La distinction entre ces différentes composantes est essentielle. En effet, les acteurs impliqués (fonctionnaires corrompus, réseaux criminels, EMN), les mécanismes utilisés (pots-de-vin, contrebande, manipulation des prix de transfert) et les vulnérabilités exploitées (faiblesse institutionnelle, opacité financière, lacunes réglementaires) diffèrent significativement. Par conséquent, les stratégies de lutte doivent être adaptées à chaque type de FFI. Combattre la corruption au sein de l’administration publique [23, 26] requiert des approches distinctes de celles nécessaires pour analyser et contrer les schémas complexes de fausse facturation commerciale mis en œuvre par des entreprises internationales.

[24, 26, 36, 41, 46, 50]

Cette hétérogénéité intrinsèque rend la lutte contre les FFI particulièrement complexe, nécessitant une coordination entre diverses agences nationales (police, douanes, fisc, justice) et une coopération internationale renforcée.[20, 22, 24, 28, 31, 57]

Un débat important concerne le périmètre exact de la notion d'”illicite”, en particulier pour ce qui est des pratiques d’optimisation fiscale agressive (tax avoidance). Celles-ci exploitent les failles et les ambiguïtés des législations fiscales nationales et des conventions internationales pour réduire l’impôt dû, sans nécessairement enfreindre la loi de manière flagrante.[24] Certaines définitions des FFI, notamment celles privilégiées par des organisations comme le Tax Justice Network

[32, 33, 34, 36]

et adoptées implicitement par des rapports influents comme celui du Panel Mbeki [22, 28], incluent ces formes d'”abus fiscal” (tax abuse) dans le champ des FFI, arguant de leur caractère préjudiciable et contraire à l’esprit de la loi ou aux normes sociales.[36] D’autres approches adoptent une définition plus restrictive, se concentrant sur les activités clairement illégales.[36, 38] Cette divergence définitionnelle n’est pas neutre : elle a des conséquences directes sur l’estimation de l’ampleur des FFI et sur la pertinence des différentes stratégies de lutte. Une définition restrictive minimise l’ampleur du problème mais rend moins centrales les réformes de la fiscalité internationale.[24, 29] Une définition large met en lumière l’énormité des pertes fiscales mais complexifie la lutte en touchant aux questions de souveraineté fiscale et aux limites parfois floues entre optimisation légale et abus.[36] Cette ambiguïté peut freiner l’action politique et la coopération internationale.

2.2. Ampleur et Impact Économique #

L’ampleur des FFI drainés hors d’Afrique est considérable, bien que les estimations varient en fonction des méthodologies et des définitions utilisées.[32, 34, 37, 41, 59] Les chiffres les plus fréquemment cités font état de pertes annuelles d’environ 50 milliards de dollars.

[20, 22, 24, 25, 26, 28, 29, 42, 43]

Des estimations plus récentes de la CNUCED avancent même le chiffre de 88,6 milliards de dollars par an.[20, 38] Sur le long terme, la perte cumulée pour le continent sur les cinquante dernières années est estimée à plus de 1 000 milliards de dollars.

[20, 15, 24, 27, 29, 30, 42, 66]

Tableau 1 : Estimations Sélectionnées de l’Ampleur des FFI en Afrique #

SourceEstimation Annuelle (USD)Estimation Cumulative (USD)Année/PériodeNotes / Focus Principal
UA-CEA (Panel Mbeki) [21, 24, 25, 28, 29, 42, 43, 59]50 milliards +2015Estimation souvent citée, base prudente
CNUCED [20, 22, 38, 42]88.6 milliards836 milliards (2000-2015)2020Basé sur la sous-facturation des exportations et les prix des matières premières
Global Financial Integrity (GFI) [40, 59]52.7 milliards (moyenne)2004-2013Focus sur la fausse facturation commerciale
Kar & Cartwright-Smith (GFI) [40, 54, 59, 66]854 milliards (1970-2008)2010Étude pionnière, inclut la fausse facturation
Ndikumana & Boyce [42, 43, 46, 59, 66]> 1 000 milliards1970-2008Focus sur la fuite des capitaux, y compris les capitaux licites et illicites
Tax Justice Network [32, 33, 34]35.3 milliards (2017)2020Pertes fiscales dues à l’abus fiscal international (entreprises + particuliers)

Il est crucial de noter que ces chiffres, aussi importants soient-ils, représentent probablement une sous-estimation.

[20, 21, 22, 24, 37, 42, 43]

Les méthodologies utilisées, souvent basées sur l’analyse des déséquilibres dans les statistiques du commerce extérieur (méthode résiduelle) [40, 41, 54, 66] ou sur l’évaluation des écarts entre les flux de capitaux enregistrés et la croissance de l’endettement extérieur (méthode “hot money narrow”) [42, 43], ne capturent qu’une partie du phénomène. Les transactions purement intra-pays, les transferts en espèces ou via des systèmes informels (comme le hawala) et les produits de certaines activités criminelles sont difficilement traçables et mesurables.

[21, 23, 27, 33, 41]

L’impact économique de ces sorties massives de capitaux est dévastateur et multiforme :

  • Réduction Drastique des Recettes Publiques : Les FFI, notamment ceux liés à la fraude et à l’évasion fiscales ainsi qu’à la fausse facturation commerciale, privent les États africains de revenus fiscaux essentiels.[15, 20, 21, 23, 24, 26, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 42, 45, 50, 53, 54, 66]
  • Ces ressources manquent cruellement pour financer les services publics fondamentaux (santé, éducation, infrastructures), réduire la pauvreté et stimuler le développement.
  • [15, 20, 21, 23, 24, 28, 29, 30, 32, 34, 36, 37, 42, 45, 50, 51, 53]
  • On estime que ces pertes fiscales représentent une part significative du PIB de nombreux pays africains, souvent supérieure au montant de l’aide publique au développement (APD) reçue.
  • [20, 24, 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 42, 43, 45, 50, 51, 53]
  • Le Tax Justice Network estime par exemple que les pertes fiscales annuelles dues aux abus fiscaux internationaux des entreprises et des particuliers riches s’élèvent à 35,3 milliards de dollars pour l’Afrique.[34]
  • Érosion de la Base d’Investissement : Les capitaux sortant illicitement du continent ne sont pas disponibles pour l’investissement productif local, que ce soit par les entreprises privées ou par l’État.
  • [21, 23, 24, 26, 27, 28, 30, 42, 43, 53, 66]
  • Cela freine la croissance économique, la création d’emplois et ladiversification des économies africaines, souvent encore trop dépendantes de l’exportation de matières premières.
  • [20, 21, 24, 27, 43, 53]
  • Aggravation de la Dette Extérieure : Paradoxalement, les pays africains perdant massivement des capitaux via les FFI se retrouvent souvent contraints de s’endetter sur les marchés internationaux ou auprès des institutions financières pour financer leur développement et leurs budgets.
  • [21, 24, 26, 27, 28, 30, 42, 43, 53, 66]
  • Les travaux de Ndikumana et Boyce ont mis en évidence cette corrélation frappante : pour de nombreux pays africains, l’accumulation de la dette extérieure semble avoir servi, en partie, à financer la fuite des capitaux privés, souvent illicites.[42, 43] L’Afrique est ainsi devenue, dans une certaine mesure, un “créancier net” du reste du monde, si l’on compare les stocks de capitaux détenus illégalement à l’étranger par ses élites aux stocks de sa dette publique extérieure.[42, 43]
  • Exacerbation des Inégalités : Les FFI sont intrinsèquement liés aux inégalités.
  • [15, 21, 23, 24, 26, 29, 30, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 45, 50, 51, 53, 66]
  • Ceux qui bénéficient de ces flux (élites corrompues, criminels, certaines entreprises multinationales et leurs facilitateurs) s’enrichissent au détriment de la collectivité, tandis que la majorité de la population subit les conséquences du manque de services publics et d’opportunités économiques. La concentration des richesses illégalement acquises à l’étranger accentue les fractures sociales et économiques au sein des pays africains.
  • [15, 21, 24, 26, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 45, 50, 51, 53]
  • De plus, lorsque les États tentent de compenser les pertes de revenus dues aux FFI, ils ont souvent tendance à augmenter les impôts régressifs (comme la TVA) qui pèsent plus lourdement sur les ménages pauvres, tandis que les grandes entreprises et les individus fortunés parviennent à échapper à leur juste contribution fiscale.
  • [24, 29, 30, 32, 33, 34, 37, 38, 50, 51, 53]
  • Affaiblissement de la Gouvernance et de l’État de Droit : Les FFI, en particulier ceux liés à la corruption et au crime organisé, sapent la légitimité des institutions publiques, érodent la confiance des citoyens envers l’État et affaiblissent l’État de droit.
  • [15, 19, 21, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 36, 38, 41, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66]
  • La corruption systémique, alimentée par les FFI, entrave le bon fonctionnement de l’administration, de la justice et des forces de sécurité, créant un cercle vicieux où l’impunité favorise de nouveaux détournements.[15, 19, 21, 23, 24, 26, 27, 31, 32, 38, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66]
  • L’argent illicite peut également être utilisé pour influencer les processus politiques, financer des campagnes électorales de manière opaque ou déstabiliser des gouvernements.
  • [23, 27, 31, 32, 41, 45, 61, 62, 63, 64, 66]

En somme, les FFI représentent un obstacle majeur au développement durable, à la réduction de la pauvreté et à la bonne gouvernance en Afrique.

[15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66]

C’est dans ce contexte économique et institutionnel fragilisé que les organisations de la société civile doivent opérer et tenter de préserver leur autonomie.

3. La Société Civile en Afrique : Diversité et Enjeux d’Autonomie #

Pour saisir l’impact des FFI sur les OSC, il est essentiel de comprendre la nature et la diversité de la société civile africaine, ainsi que les différentes facettes de son autonomie.

3.1. Diversité du Paysage des OSC Africaines #

Le terme “société civile” en Afrique recouvre une mosaïque extrêmement variée d’organisations et d’acteurs non étatiques et à but non lucratif.

[1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19]

Il est crucial d’éviter toute généralisation hâtive, car les réalités diffèrent considérablement d’un pays à l’autre, et même au sein d’un même pays, en fonction du secteur d’intervention, de la taille, de la structure et de l’orientation idéologique des organisations. On peut néanmoins identifier quelques grandes catégories d’acteurs :

  • Organisations Non Gouvernementales (ONG) : Ce terme désigne souvent des organisations structurées, professionnalisées, intervenant dans des domaines spécifiques comme le développement communautaire, la santé, l’éducation, l’environnement, les droits humains, l’aide humanitaire, etc.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19]
  • On distingue souvent les ONG “internationales” (ayant leur siège à l’étranger mais opérant en Afrique) des ONG “nationales” ou “locales” (fondées et basées en Afrique). Ces dernières sont elles-mêmes très diverses, allant de grandes organisations nationales bien établies à de petites structures communautaires.
  • Organisations Communautaires de Base (OCB) : Plus informelles et ancrées localement, les OCB regroupent souvent des habitants d’un même quartier ou village pour répondre à des besoins spécifiques (gestion de l’eau, caisses d’épargne et de crédit, groupes d’entraide agricole, etc.).
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 14, 17]
  • Elles jouent un rôle crucial dans la mobilisation sociale et la fourniture de services au niveau local.
  • Associations Professionnelles et Syndicats : Ces organisations défendent les intérêts spécifiques de leurs membres (agriculteurs, enseignants, journalistes, médecins, travailleurs, etc.) et peuvent jouer un rôle important dans le dialogue social et le plaidoyer pour des réformes sectorielles.
  • [1, 3, 6, 9, 11, 13, 17]
  • Organisations Confessionnelles (FBO – Faith-Based Organizations) : Les églises, mosquées et autres institutions religieuses, ainsi que les organisations caritatives qui leur sont affiliées, constituent un pan majeur de la société civile dans de nombreux pays africains.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 17]
  • Elles fournissent souvent une part importante des services sociaux (éducation, santé) et disposent d’un fort ancrage communautaire et d’une grande capacité de mobilisation.
  • Mouvements Sociaux et Groupes de Plaidoyer : Moins structurés formellement, ces mouvements émergent souvent autour de causes spécifiques (démocratie, droits des femmes, justice environnementale, lutte contre la corruption, etc.) et utilisent la mobilisation citoyenne, la protestation et le plaidoyer pour influencer les politiques publiques et les normes sociales.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19]
  • Think Tanks et Centres de Recherche : Ces organisations produisent des analyses et des recommandations politiques sur divers sujets, contribuant au débat public et à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes.[1, 3, 6, 9, 13, 15, 17]
  • Médias Indépendants : Bien que relevant souvent du secteur privé à but lucratif, les médias indépendants (presse écrite, radios, télévisions, médias en ligne) jouent un rôle essentiel de “chien de garde” et de plateforme pour le débat public, et sont donc souvent considérés comme faisant partie intégrante de l’écosystème de la société civile au sens large.
  • [1, 3, 6, 9, 13, 15, 17, 19]

Cette diversité implique des capacités, des ressources, des modes d’action, des relations avec l’État et des vulnérabilités aux FFI très variables. Une grande ONG internationale de développement financée par des bailleurs de fonds occidentaux n’aura pas les mêmes préoccupations ni les mêmes défis d’autonomie qu’une petite association locale de défense des droits humains dépendant de cotisations et de petites subventions, ou qu’un mouvement social informel s’appuyant sur le bénévolat.

3.2. Les Différentes Dimensions de l’Autonomie des OSC #

L’autonomie est un concept central pour la société civile, mais elle est multidimensionnelle et relative. Elle ne signifie pas nécessairement une indépendance totale ou une absence de relations avec d’autres acteurs (État, bailleurs de fonds, secteur privé), mais plutôt la capacité d’une organisation à définir et poursuivre ses propres objectifs, à prendre ses décisions et à agir conformément à sa mission et à ses valeurs, sans être indûment contrainte ou contrôlée par des forces externes.

[2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19]

On peut distinguer au moins trois dimensions clés de l’autonomie des OSC :

  • Autonomie Financière : C’est la capacité d’une OSC à mobiliser des ressources suffisantes, stables et diversifiées pour couvrir ses coûts de fonctionnement et mettre en œuvre ses activités, sans dépendre excessivement d’une seule source de financement qui pourrait imposer ses priorités ou exercer une influence indue.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • La dépendance excessive vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux, bien que souvent nécessaire, est une préoccupation majeure pour de nombreuses OSC africaines, car elle peut entraîner un alignement sur les agendas des donateurs (“donor-driven agendas”), une instabilité financière liée aux cycles de financement, et des difficultés à couvrir les coûts structurels non liés directement aux projets.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • L’autonomie financière implique donc la capacité à diversifier les sources (cotisations des membres, dons locaux, entreprises sociales, subventions publiques transparentes, financement participatif, etc.) et à négocier des conditions de financement qui respectent l’indépendance de l’organisation.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Autonomie Opérationnelle et Programmatique : Il s’agit de la capacité d’une OSC à définir son propre agenda, à choisir ses domaines d’intervention, ses stratégies, ses activités et ses partenaires, en fonction de sa mission, de son analyse du contexte et des besoins identifiés auprès de ses bénéficiaires ou de sa base sociale.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Cela inclut la liberté de décider où, quand et comment intervenir, ainsi que la capacité à adapter ses programmes en fonction des réalités du terrain et des retours d’expérience. Les contraintes peuvent venir des exigences des bailleurs (cadres logiques rigides, indicateurs prédéfinis), des réglementations gouvernementales (autorisations nécessaires, zones d’intervention limitées) ou de pressions politiques.[1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Autonomie Politique et Stratégique (ou Autonomie de la Voix) : C’est la capacité d’une OSC à prendre position publiquement, à critiquer les politiques ou les pratiques des autorités publiques ou d’autres acteurs puissants (entreprises, etc.), à mener des activités de plaidoyer et de mobilisation, et à définir sa propre orientation stratégique et politique sans crainte de représailles ou de pressions indues.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Cette dimension est particulièrement cruciale pour les organisations de défense des droits humains, de promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance, ainsi que pour celles qui contestent des modèles économiques ou des projets spécifiques (par exemple, dans le secteur extractif). Elle est souvent la plus menacée dans les contextes où l’espace civique se rétrécit.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11,12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

Ces trois dimensions de l’autonomie sont interdépendantes. Une faible autonomie financière peut limiter l’autonomie opérationnelle (incapacité à lancer des actions non financées) et politique (autocensure pour ne pas déplaire aux bailleurs ou au gouvernement).

[1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

Inversement, une forte répression politique peut rendre difficile la mobilisation de ressources financières (les donateurs locaux craignant des représailles) et entraver les opérations sur le terrain.

[1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

3.3. Le Défi de l’Autonomie dans le Contexte Africain #

Historiquement et structurellement, les OSC africaines sont confrontées à de nombreux défis pour affirmer et maintenir leur autonomie :

  • Dépendance Financière Externe : Comme mentionné, une part significative du financement de nombreuses OSC, en particulier les ONG de développement et de plaidoyer, provient de l’aide publique au développement (APD) des pays du Nord, de fondations internationales ou d’ONG internationales.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Si cette aide est souvent indispensable, elle crée une vulnérabilité structurelle et peut influencer les priorités et les modes d’action.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Faiblesse des Sources de Financement Domestiques : La philanthropie privée locale, les cotisations des membres et les subventions publiques (souvent limitées et parfois politisées) peinent généralement à constituer une base financière solide et durable pour la majorité des OSC.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Les classes moyennes sont souvent peu développées, et la culture du don organisé est encore émergente dans de nombreux contextes.
  • Environnement Politique et Réglementaire Restrictif : Dans de nombreux pays africains, les gouvernements adoptent des lois et des pratiques administratives qui restreignent l’espace d’action des OSC (procédures d’enregistrement complexes, contrôle des financements étrangers, surveillance des activités, répression des critiques, etc.).
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Ce phénomène de “rétrécissement de l’espace civique” (“shrinking civic space”) affecte directement l’autonomie politique et opérationnelle des OSC, en particulier celles engagées dans le plaidoyer et la défense des droits.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Défis de Capacités Internes : Certaines OSC, notamment les plus petites et locales, peuvent manquer de capacités en matière de gestion financière, de planification stratégique, de suivi-évaluation et de mobilisation de ressources, ce qui peut limiter leur efficacité et leur capacité à négocier leur autonomie avec les partenaires externes.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

C’est dans ce cadre général, déjà marqué par des défis structurels importants en matière d’autonomie, que l’influence spécifique des flux financiers illicites vient s’ajouter, complexifiant davantage la situation des OSC africaines.

4. Les Mécanismes d’Influence des FFI sur l’Autonomie des OSC #

C’est sans doute l’impact le plus fondamental, bien qu’indirect. Comme établi précédemment (section 2.2), les FFI drainent des ressources fiscales massives hors des économies africaines.

[15, 20, 21, 23, 24, 26, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 40, 42, 45, 50, 51, 53, 54, 66]

Cette hémorragie de revenus publics a des conséquences directes sur l’environnement dans lequel opèrent les OSC et sur leur propre viabilité :

  • Moindre Capacité de Financement Public des OSC : Lorsque les budgets de l’État sont amputés par les FFI, la capacité et la volonté des gouvernements à soutenir financièrement les activités des OSC, même celles fournissant des services sociaux essentiels, diminuent considérablement.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 50, 51, 53, 69, 70, 71, 72, 73] Les subventions publiques, si elles existent, deviennent plus rares, plus faibles et potentiellement plus politisées, renforçant la dépendance des OSC vis-à-vis des financements externes. Cela affecte directement l’autonomie financière.
  • Augmentation de la Pression sur les OSC pour Combler les Lacunes de l’État : Face à l’incapacité de l’État à fournir des services publics adéquats (santé, éducation, eau, etc.) en raison du manque de ressources lié aux FFI, la demande et la pression sur les OSC pour combler ces lacunes augmentent.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 50, 51, 53]
  • Les OSC peuvent se retrouver submergées par des besoins immenses sans disposer des ressources nécessaires, les obligeant à se concentrer sur la prestation de services d’urgence au détriment d’activités de plaidoyer ou de renforcement des capacités à plus long terme. Cela peut affecter leur autonomie opérationnelle et stratégique, les cantonnant à un rôle de supplétif de l’État défaillant plutôt qu’à celui d’acteur de changement structurel
  • Difficulté Accrue de Mobilisation des Ressources Locales : Dans un contexte économique fragilisé par les FFI, où la pauvreté et les inégalités sont exacerbées, il devient plus difficile pour les OSC de mobiliser des dons et des cotisations auprès de la population locale et des entreprises nationales.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 50, 51, 53, 69, 70, 71, 72, 73]
  • La base potentielle de la philanthropie domestique est érodée, renforçant encore la dépendance vis-à-vis des financements externes et limitant l’autonomie financière.

4.2. Le Nexus Corruption – FFI et son Impact sur l’Espace Civique #

La corruption, l’une des composantes majeures des FFI en Afrique

[15, 19, 21, 23, 26, 31, 32, 38, 40, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66, 67],

entretient une relation toxique avec l’espace dévolu à la société civile. Les acteurs impliqués dans la corruption à grande échelle et le détournement de fonds publics ont tout intérêt à réduire au silence ou à contrôler les voix critiques qui pourraient dénoncer leurs agissements.

  • Attaques Directes contre les OSC Anti-Corruption et de Défense des Droits : Les OSC qui enquêtent sur la corruption, dénoncent les détournements de fonds, militent pour la transparence budgétaire ou défendent les droits des citoyens face aux abus de pouvoir sont souvent les cibles privilégiées de harcèlement, d’intimidations, de campagnes de diffamation, de poursuites judiciaires abusives (“SLAPP” – Strategic Lawsuits Against Public Participation), voire de violences physiques de la part d’acteurs étatiques ou non étatiques liés aux réseaux de corruption.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 26, 31, 32, 38, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Ces attaques visent à limiter leur autonomie politique et stratégique, les forçant à l’autocensure ou à cesser leurs activités les plus sensibles. Les FFI fournissent les moyens financiers à ces réseaux corrompus pour mener ces actions répressives.
  • Utilisation de la Législation Anti-Corruption à des Fins Politiques : Paradoxalement, les gouvernements corrompus peuvent instrumentaliser la rhétorique et les outils de la lutte anti-corruption (ou anti-blanchiment, voir section 4.3) pour cibler sélectivement les OSC perçues comme opposantes ou critiques.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Des accusations (souvent infondées) de mauvaise gestion financière, de détournement de fonds ou de financement illicite peuvent être utilisées pour discréditer, suspendre ou dissoudre des OSC gênantes, portant ainsi atteinte à leur autonomie opérationnelle et politique.
  • Création d’OSC “Gouvernementales” ou “Affaires” (GONGOs/BONGOs) : Lesfonds issus de la corruption et des FFI peuvent être utilisés pour créer ou soutenir des organisations de façade (“Government-Organized NGOs” ou “Business-Organized NGOs”) qui prétendent représenter la société civile mais servent en réalité les intérêts des élites au pouvoir ou de certains acteurs économiques.[1, 3, 6, 9, 11, 13, 17] Ces structures peuvent capter des financements (y compris internationaux), occuper l’espace public et délégitimer les OSC indépendantes, contribuant ainsi à brouiller les lignes et à affaiblir l’autonomie politique de la véritable société civile.
  • Climat Général de Méfiance et Répression : La corruption endémique et l’impunité qui l’accompagne créent un environnement général de méfiance envers les institutions et peuvent justifier, aux yeux de certains régimes, un contrôle accru de toutes les formes d’organisation sociale, y compris les OSC indépendantes.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 26, 31, 32, 38, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Les lois restreignant les libertés d’association, de réunion et d’expression, souvent justifiées par des impératifs de sécurité ou de lutte contre le désordre, sont plus facilement adoptées et appliquées dans un contexte où la critique est perçue comme une menace par des élites soucieuses de protéger leurs rentes illicites. Ce “rétrécissement de l’espace civique” affecte toutes les dimensions de l’autonomie des OSC.

4.3. L’Impact Ambivalent des Mesures de Lutte Contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT) #

Ironiquement, les efforts internationaux et nationaux visant à lutter contre les FFI, en particulier via les cadres de Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT) promus par le Groupe d’Action Financière (GAFI), peuvent avoir des conséquences négatives non intentionnelles sur l’autonomie des OSC.

[1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Vulnérabilité Perçue du Secteur à But Non Lucratif : Les normes du GAFI (en particulier l’ancienne Recommandation 8, révisée depuis) ont longtemps identifié le secteur des organisations à but non lucratif (OSBL) comme étant potentiellement vulnérable aux abus à des fins de financement du terrorisme (FT).
  • [74, 75, 76, 77, 78] Bien que le GAFI ait affiné son approche pour préconiser une analyse des risques ciblée plutôt qu’une suspicion généralisée [74, 75, 76, 77, 78], cette perception initiale a conduit de nombreux pays à adopter des réglementations excessives et non proportionnées à l’égard des OSC.
  • Fardeau Réglementaire et Administratif Accru : Pour se conformer aux exigences LBC/FT (nationales ou imposées par les bailleurs et les banques), les OSC doivent souvent faire face à des procédures d’enregistrement complexes, des exigences de reporting financier lourdes, des audits coûteux et des contrôlesaccrus sur leurs transactions financières, en particulier celles impliquant des transferts internationaux.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Ce fardeau administratif pèse de manière disproportionnée sur les petites OSC locales aux capacités limitées, absorbant des ressources précieuses et limitant leur autonomie opérationnelle.
  • Difficultés d’Accès aux Services Financiers (“De-risking”) : Craignant les sanctions réglementaires en cas de non-conformité ou de transactions jugées suspectes, de nombreuses banques internationales et locales adoptent des politiques de “de-risking” (réduction des risques) qui les conduisent à refuser ou à fermer les comptes bancaires des OSC, ou à appliquer des frais et des contrôles prohibitifs, en particulier pour celles travaillant dans des zones considérées à risque (zones de conflit, régions frontalières) ou recevant des fonds de certaines sources.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Cela entrave gravement leur capacité à recevoir et à utiliser des fonds, affectant directement leur autonomie financière et opérationnelle. Les OSC humanitaires opérant dans des zones de crise sont particulièrement touchées.
  • Instrumentalisation des Lois LBC/FT par les États : Certains gouvernements utilisent les lois et réglementations LBC/FT comme prétexte pour surveiller, contrôler et restreindre les activités des OSC, en particulier celles qui critiquent le pouvoir ou travaillent sur des sujets sensibles.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Les exigences de transparence financière peuvent être utilisées pour identifier les donateurs ou les bénéficiaires, exposant ces derniers à des risques. Les accusations de “financement du terrorisme” peuvent être utilisées de manière abusive pour criminaliser des activités légitimes de plaidoyer ou de défense des droits, sapant l’autonomie politique et stratégique des OSC.
  • Refroidissement des Relations avec les Bailleurs (“Chilling Effect”) : Les exigences LBC/FT peuvent également rendre les bailleurs de fonds (y compris les fondations et les ONG internationales) plus réticents à financer certaines OSC locales perçues comme présentant un “risque” élevé, ou à financer des activités jugées sensibles (plaidoyer, soutien juridique, etc.).
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Cela peut limiter davantage les options de financement pour les OSC et affecter leur autonomie financière et programmatique.

Il est donc crucial de trouver un équilibre entre la nécessité légitime de lutter contre les FFI (y compris le BC/FT) et la protection de l’espace civique et de l’autonomie des OSC.[74, 75, 76, 77, 78] Les mesures LBC/FT doivent être fondées sur les risques réels,proportionnées et mises en œuvre de manière transparente et non discriminatoire, en dialogue avec la société civile.[74, 75, 76, 77, 78]

4.4. Impact sur la Légitimité et la Confiance #

Les FFI, en particulier la corruption et le détournement de fonds publics, érodent la confiance des citoyens envers les institutions publiques.

[15, 19, 21, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 36, 38, 41, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66]

Cette érosion de la confiance peut avoir des effets ambivalents sur les OSC :

  • Opportunité Potentielle : Dans un contexte de défiance envers l’État, les OSC peuvent apparaître comme des acteurs plus crédibles et légitimes pour répondre aux besoins des populations ou pour porter leurs voix.[1, 3, 5, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 15, 17, 19]
  • Cela peut renforcer leur rôle et leur influence potentielle.
  • Risque de Contagion de la Méfiance : Cependant, la corruption généralisée peut aussi engendrer un cynisme et une méfiance envers toutes les formes d’organisation, y compris les OSC.
  • [1, 3, 6, 9, 11, 13, 17]
  • Des scandales (réels ou montés de toutes pièces) impliquant des OSC peuvent être instrumentalisés pour jeter le discrédit sur l’ensemble du secteur. Les OSC doivent donc redoubler d’efforts pour démontrer leur propre transparence et leur redevabilité afin de préserver leur légitimité et la confiance du public, ce qui peut consommer des ressources et de l’énergie, affectant indirectement leur autonomie opérationnelle. Leur capacité à mobiliser des ressources localement (impact sur l’autonomie financière) dépend aussi crucialement de cette confiance.

En conclusion, les FFI affectent l’autonomie des OSC africaines par une combinaison complexe de mécanismes : ils réduisent les ressources disponibles pour le développement et le soutien public aux OSC, ils alimentent une corruption qui cherche activement à museler la société civile critique, ils conduisent à des réglementations (LBC/FT) qui, bien qu’intentionnées pour lutter contre les FFI, peuvent étouffer les OSC, et ils sapent le climat général de confiance nécessaire à l’action civique. Ces impacts se renforcent mutuellement, créant un environnement particulièrement difficile pour les OSC cherchant à maintenir leur indépendance financière, opérationnelle et politique.

5. Stratégies de Résilience et Renforcement de l’Autonomie des OSC #

Face aux défis posés par les FFI et leurs conséquences sur leur autonomie, les organisations de la société civile africaine, ainsi que leurs partenaires, développent et peuvent renforcer diverses stratégies de résilience. Ces stratégies visent à la fois à atténuer les impacts négatifs des FFI et à renforcer proactivement les différentes dimensions de l’autonomie.

5.1. Renforcer l’Autonomie Financière : Diversification et Mobilisation Domestique #

Réduire la dépendance excessive vis-à-vis des financements externes conditionnels est un objectif clé pour renforcer l’autonomie financière et, par ricochet, l’autonomie programmatique et politique.

[1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Mobilisation des Ressources Locales : Malgré les difficultés (section 4.1), explorer et développer activement les sources de financement domestiques est crucial.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73] Cela peut inclure :
    • Cotisations des membres : Pour les organisations basées sur l’adhésion (syndicats, associations professionnelles, certaines OCB).
    • Philanthropie locale : Cibler les dons individuels (petits ou grands), les entreprises locales et la diaspora africaine. Cela nécessite des stratégies de communication et de collecte de fonds adaptées et un renforcement de la confiance par la transparence.
    • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
    • Entrepreneuriat social : Développer des activités génératrices de revenus liées à la mission de l’organisation (vente de produits ou services) pour créer des revenus non affectés.
    • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
    • Financement participatif (Crowdfunding) : Utiliser les plateformes en ligne pour mobiliser des fonds pour des projets spécifiques auprès d’un large public.
    • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
    • Plaidoyer pour un Financement Public Transparent et Accessible : Militer pour que les États, en luttant contre les FFI et en améliorant la collecte des impôts, allouent une part des ressources publiques au soutien de la société civile via des mécanismes transparents, équitables et indépendants du pouvoir politique.
    • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 50, 51, 53, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Diversification des Financements Externes : Ne pas dépendre d’un seul ou d’un petit nombre de bailleurs internationaux.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Rechercher activement des financements auprès de différentes sources (gouvernements, fondations privées, ONG internationales, mécanismes multilatéraux) avec des approches et des exigences variées.
  • Négocier des Financements Flexibles et de Long Terme : Plaider auprès des bailleurs pour obtenir des financements moins rigides, couvrant les coûts de fonctionnement (“core funding” ou soutien institutionnel) plutôt que seulement les projets, et s’inscrivant sur des durées plus longues pour assurer une meilleurestabilité.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Création de Fonds Nationaux pour la Société Civile : Encourager la mise en place de fondations nationales ou de fonds communs (pooled funds) gérés de manière indépendante, pouvant recevoir des contributions de diverses sources (y compris internationales et domestiques) et les redistribuer aux OSC locales selon des critères transparents et alignés sur les priorités nationales définies en consultation.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

5.2. Naviguer dans l’Environnement Réglementaire (y compris LBC/FT) #

Face aux restrictions de l’espace civique et aux contraintes liées aux réglementations LBC/FT, les OSC doivent adopter des stratégies proactives pour préserver leur marge de manœuvre.

  • Renforcement de la Transparence et de la Redevabilité Interne : Adopter des normes élevées de gouvernance interne, de gestion financière transparente et de redevabilité envers leurs membres, leurs bénéficiaires et le public.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Cela permet non seulement de renforcer la légitimité et la confiance (section 4.4), mais aussi de mieux résister aux accusations infondées de mauvaise gestion ou d’activités illicites et de démontrer la conformité aux exigences réglementaires légitimes. L’auto-réglementation sectorielle peut y contribuer.
  • Dialogue Constructif avec les Autorités et les Institutions Financières : Engager un dialogue (lorsque c’est possible et sûr) avec les autorités gouvernementales et les régulateurs financiers pour expliquer le fonctionnement du secteur des OSC, plaider pour des réglementations LBC/FT proportionnées et basées sur les risques réels (conformément aux standards révisés du GAFI), et dénoncer les applications abusives de ces lois.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Un dialogue similaire est nécessaire avec les banques pour contrer les effets du “de-risking”.
  • [74, 75, 76, 77, 78]
  • Renforcement des Capacités Juridiques et de Plaidoyer : Se doter ou mutualiser des capacités d’analyse juridique pour comprendre les lois et réglementations, contester les mesures abusives devant les tribunaux (nationaux ou régionaux) et mener un plaidoyer informé pour la réforme des lois restrictives.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Mise en Réseau et Solidarité : Construire des alliances et des coalitions fortes entre OSC au niveau national, régional et international pour partager les informations, mutualiser les ressources (y compris juridiques), mener des actions de plaidoyer conjointes et se soutenir mutuellement face aux pressions.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • La solidarité internationale est particulièrement importante lorsque l’espace civique national est très restreint.

5.3. Renforcer l’Autonomie Politique et Stratégique : Ancrage Local et Plaidoyer #

Pour maintenir leur capacité à définir leur propre agenda et à faire entendre leur voix, les OSC doivent renforcer leur légitimité et leur pertinence.

  • Approfondir l’Ancrage Social et la Redevabilité envers les Communautés : Renforcer les liens avec les communautés locales, s’assurer que les actions répondent à leurs besoins réels et les impliquer dans la définition des priorités et l’évaluation des actions.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 11, 13, 14, 15, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Un fort soutien populaire constitue la meilleure protection contre les attaques politiques et renforce la légitimité du plaidoyer.
  • Plaidoyer Fondé sur des Données Probantes : Investir dans la recherche, la collecte de données et l’analyse pour étayer les actions de plaidoyer, en particulier sur des sujets complexes comme les FFI, la fiscalité, la gouvernance des industries extractives, etc.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 45, 50, 51, 53, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Cela renforce la crédibilité des OSC et leur capacité à proposer des solutions alternatives. Les OSC africaines jouent un rôle croissant dans la recherche et le plaidoyer sur les FFI.
  • [15, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 45, 50, 51, 53]
  • Développer des Stratégies de Plaidoyer Diversifiées : Combiner différentes approches : dialogue constructif avec les décideurs lorsque c’est possible, mobilisation citoyenne, campagnes médiatiques, contentieux stratégique, plaidoyer international, etc., en adaptant la stratégie au contexte politique et aux risques.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Sécurité Numérique et Physique : Prendre des mesures pour protéger les données sensibles, sécuriser les communications et assurer la sécurité physique des militants et des locaux, en particulier pour les organisations travaillant sur des sujets à risque comme la corruption et les FFI.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 15, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]

5.4. Le Rôle des Partenaires Externes (Bailleurs, ONG Internationales) #

Les partenaires externes ont également un rôle crucial à jouer pour soutenir l’autonomie des OSC africaines dans cet environnement complexe.

  • Fournir un Financement Flexible et Prévisible : Offrir davantage de soutien institutionnel (core funding), des financements pluriannuels et des mécanismes de financement moins bureaucratiques.
  • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Soutenir la Diversification des Ressources : Aider les OSC locales à développer leurs capacités de mobilisation de ressources domestiques et à accéder à une plus grande variété de sources de financement.[1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Respecter l’Autonomie Programmatique et Stratégique : Éviter d’imposer des agendas externes (“donor-driven”), faire confiance à l’expertise locale et soutenir les priorités définies par les OSC africaines elles-mêmes, y compris le plaidoyer sur des sujets sensibles.
  • [1, 3, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Plaider pour un Espace Civique Ouvert : Utiliser leur influence diplomatique et politique pour plaider auprès des gouvernements africains en faveur du respect des libertés fondamentales et contre les lois et pratiques restrictives visant les OSC.
  • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Appliquer les Normes LBC/FT de Manière Proportionnée : S’assurer que leurs propres exigences de conformité LBC/FT envers leurs partenaires locaux sont basées sur les risques réels et ne créent pas de fardeaux excessifs ou n’excluent pas indûment certaines OSC.[74, 75, 76, 77, 78] Plaider au niveau international (GAFI, banques) pour une meilleure prise en compte des impacts négatifs non intentionnels sur la société civile.[74, 75, 76, 77, 78]
  • Soutenir la Lutte contre les FFI : Reconnaître que la lutte contre les FFI est intrinsèquement liée à la création d’un environnement propice pour la société civile. Soutenir les efforts des OSC africaines et des gouvernements engagés dans la lutte pour la transparence fiscale, la récupération des avoirs volés et la réforme de la gouvernance financière internationale.
  • [15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66]

Conclusion #

Ce rapport a exploré l’influence complexe et souvent préjudiciable des flux financiers illicites (FFI) sur l’autonomie des organisations de la société civile (OSC) en Afrique. L’analyse a mis en évidence plusieurs constats clés :

  • L’Ampleur du Problème des FFI : L’Afrique perd chaque année des dizaines, voire près de 100 milliards de dollars, à travers des mécanismes variés incluant la corruption, les activités criminelles et surtout les pratiques commerciales abusives (fausse facturation, manipulation des prix de transfert, évasion fiscale).
  • [15, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66]
  • Ces pertes massives privent le continent de ressources vitales pour le développement, sapent la gouvernance et exacerbent les inégalités.
  • La Vulnérabilité Intrinsèque des OSC : La société civile africaine, bien que dynamique et diversifiée, fait face à des défis structurels importants concernant son autonomie, notamment une forte dépendance aux financements externes, des sources domestiques limitées et un environnement politique et réglementaire souvent restrictif (“rétrécissement de l’espace civique”).
  • [1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73]
  • Les Impacts Multiples des FFI sur l’Autonomie des OSC : Les FFI aggravent ces vulnérabilités à travers plusieurs canaux :
    • Indirectement : En réduisant les recettes publiques, les FFI limitent la capacité de l’État à financer les OSC et augmentent la pression sur ces dernières pour combler les lacunes des services publics, affectant leur autonomie financière et opérationnelle.
    • [1, 3, 5, 6, 9, 11, 13, 14, 15, 16, 17, 19, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 42, 50, 51, 53, 69, 70, 71, 72, 73]
    • Via la Corruption : La corruption liée aux FFI alimente la répression contre les OSC critiques (en particulier celles luttant contre la corruption), contribuant au rétrécissement de l’espace civique et menaçant directement l’autonomie politique et stratégique.
    • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 23, 26, 31, 32, 38, 45, 56, 59, 61, 62, 63, 64, 66, 69, 70, 71, 72, 73]
    • Via les Mesures LBC/FT : Les réglementations anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme, bien que visant à combattre les FFI, peuvent être appliquées de manière disproportionnée ou abusive, créant des fardeaux administratifs, limitant l’accès aux services financiers (“de-risking”) et servant de prétexte à la restriction des activités des OSC, affectant ainsi leur autonomie financière, opérationnelle et politique.
    • [1, 3, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • L’Interconnexion des Enjeux : La lutte contre les FFI, la promotion de la bonne gouvernance, la défense de l’espace civique et le renforcement de l’autonomie des OSC sont profondément interconnectées. Agir sur l’un de ces fronts a des implications pour les autres. Les OSC qui luttent contre les FFI et la corruption sont souvent celles dont l’autonomie est la plus menacée.
  • [15, 24, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 36, 37, 38, 45, 50, 51, 53]
  • Nécessité de Stratégies Intégrées : Pour renforcer leur résilience et leur autonomie, les OSC doivent adopter des stratégies multidimensionnelles combinant la diversification financière (notamment via la mobilisation locale), le renforcement de la transparence interne, le plaidoyer pour un environnement réglementaire favorable (y compris une application proportionnée des règles LBC/FT), la construction d’alliances et l’approfondissement de leur ancrage social.
  • [1, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78]
  • Les partenaires externes ont un rôle essentiel à jouer en fournissant un soutien flexible et respectueux de l’autonomie locale, et en plaidant pour des réformes structurelles tant en Afrique qu’au niveau international (système financier, fiscalité).

En définitive, l’autonomie de la société civile africaine est non seulement une condition essentielle pour son efficacité dans la promotion du développement et de la démocratie, mais elle est aussi intrinsèquement liée à la capacité du continent à endiguer l’hémorragie des flux financiers illicites. Les FFI ne sont pas seulement un problème économique ; ils constituent une menace politique et sociale majeure qui mine les fondements mêmes d’une société civile indépendante et dynamique. Reconnaître cette interdépendance est crucial pour concevoir des politiques et des actions cohérentes, portées conjointement par les États africains engagés, la société civile elle-même et la communauté internationale, afin de libérer le potentiel de développement de l’Afrique et de renforcer ses institutions démocratiques.

Références (liste indicative basée sur les citations insérées) #

(Note: Une bibliographie complète nécessiterait de vérifier et de formater précisément chaque référence.)

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Updated on 7 mai 2025