Le document “EN ROUTE VERS L’AUTONOMIE : LES MEILLEURES PRATIQUES” par Deogratias Niyonkuru, présenté lors d’un atelier à Bujumbura en novembre 2008, se concentre sur les stratégies et mécanismes permettant aux Organisations de la Société Civile (OSC) d’atteindre l’autonomie financière. Illustré par des expériences concrètes, il met en lumière les défis et les opportunités pour les OSC du Sud.
PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS #
- La constitution de réserves est possible et souhaitable : Toute organisation qui le désire peut progressivement constituer des réserves financières significatives.
- Irresponsabilité et manque de vision : De nombreux responsables d’OSC du Sud sont critiqués pour leur manque de réflexion stratégique concernant l’autonomie financière, ayant tendance à consommer immédiatement les fonds reçus.
- Corruption interne : Un plaidoyer contre la corruption au sein même de la société civile est jugé nécessaire, certains responsables détournant des fonds qui devraient consolider leur organisation.
- Obstacles liés aux bailleurs : Certains financements ou bailleurs de fonds ne se prêtent pas à la constitution de réserves, voire s’y opposent.
- Importance de la négociation : La phase de négociation et de contractualisation avec les bailleurs est cruciale pour intégrer des mécanismes de constitution de réserves comme les “overheads”, les amortissements et les soldes de gestion. Il est recommandé de négocier des plans d’action stratégiques plutôt que des projets isolés et de viser un financement global.
- Gestion rigoureuse : Une gestion parcimonieuse et rigoureuse est essentielle pour dégager un solde de gestion positif, en évitant le gaspillage. La réussite des projets reste le meilleur garant de la poursuite des financements.
- Culture d’entreprise : Il est impératif de développer une culture d’entreprise au sein des OSC, incluant la parcimonie, la sanction des écarts, la récompense de la rigueur et l’intéressement du personnel aux résultats.
- Stratégie de croissance maîtrisée (les “3 cercles”) : Il est conseillé de classer les activités, les bailleurs et les contrats du personnel en trois catégories : les activités fondamentales (“core activities”) financées par des bailleurs institutionnels partageant la vision (personnel en CDI), les activités complémentaires finançant le passage à l’échelle (personnel en CDD), et les activités supplémentaires représentant de bonnes opportunités (personnel consultant). Il faut éviter de faire grossir le noyau central sauf si un bailleur fidèle se manifeste sur une problématique essentielle.
PRINCIPALES PROPOSITIONS ET MÉCANISMES D’AUTONOMISATION #
Le document détaille plusieurs mécanismes pour générer des revenus et constituer des réserves :
- Les “overheads” : Demander des frais institutionnels (jusqu’à 15%, idéalement 10%) aux bailleurs, sans justification détaillée autre qu’une facture de l’organisation. Partager les frais que les ONG du Nord reçoivent de leurs propres bailleurs.
- Les amortissements du matériel et les valeurs résiduelles : Toujours essayer de les comptabiliser et de les négocier au préalable avec les bailleurs. Les valeurs résiduelles du matériel sont souvent négligées par les bailleurs et peuvent être une source de revenus.
- Les prestations de service : Bien que considérées comme faciles, elles peuvent constituer un détournement de fonds si un cadre déjà payé par un projet est utilisé pour ces prestations. L’idéal est d’avoir des cadres dédiés à ce service ou de limiter l’utilisation d’un cadre subventionné à 45 jours par an pour ces tâches. Il est suggéré de facturer le personnel plus cher que son coût réel et d’appliquer des “overheads” distincts des frais de gestion.
- Les activités génératrices de revenus (AGR) : Exemples : fermes, secrétariats publics, cafétérias, location de bâtiments. La réussite est conditionnée par de bons calculs de rentabilité et une culture d’entreprise solide. Il peut être intéressant de louer certains services à des professionnels.
- Les services payants aux bénéficiaires : Une source de revenus à développer (intérêts sur crédit, primes de mutuelles de santé, participation aux frais de formation). Le service doit être de qualité et concurrentiel, et il faut éviter de facturer un service déjà payé autrement.
- La documentation : La vente de livres, journaux, cassettes, etc., peut générer des revenus affectables aux réserves, la publicité pouvant couvrir une partie des coûts de production.
- Les gains de change : Peuvent être importants dans certains pays, surtout avec des financements en devises fortes. Il est conseillé de maintenir les fonds en monnaie forte ou d’avoir un compte au Nord, après négociation avec les bailleurs.
- Les placements : Les placements en monnaie locale ou en devises fortes (comme le Franc CFA, rémunéré jusqu’à 5%) peuvent être intéressants, bien qu’ouvrir un compte au Nord pour une OSC du Sud puisse présenter des difficultés.
- Les contributions du personnel et des membres : Les organisations de membres (syndicats, OP) peuvent couvrir leurs charges associatives par les cotisations. Il est aussi possible de faire contribuer le personnel de manière contractuelle.
- Les soldes de gestion : Résultats positifs d’exploitation qui peuvent être affectés aux réserves après négociation avec les bailleurs, sinon ils doivent leur être reversés.
- Les fondations : Fonds définitivement placés dont seuls les intérêts sont utilisés, assurant un financement pour le noyau dur de l’association à long terme.
- Partenariats à long terme : Explorer des financements durables comme l’émargement sur les budgets de l’État, la négociation de partenariats stratégiques avec certains bailleurs (sur 15 ans ou plus), le financement de bâtiments, la représentation d’organisations du Nord, ou le développement de programmes communs avec celles-ci.
PROCÉDURES CLÉS POUR L’AUTONOMIE #
- Bien négocier les projets/programmes.
- Gérer de manière responsable : Inclut une stratégie de croissance pensée (“grandir sans grossir”).
- Séparer la comptabilité des projets de celle de l’association : Les réserves et fonds propres sont affectés au compte de l’association.
- Justification transparente aux bailleurs de fonds.
- Protéger les réserves contre l’utilisation facile : Leur mobilisation doit requérir l’approbation du Conseil d’Administration ou de l’Assemblée Générale. Elles doivent être placées sur des comptes générateurs d’intérêts ou dans des investissements à risque quasi nul.
- Développer une culture d’entreprise dans les OSC.
En conclusion, le document affirme que le cheminement vers l’autonomie financière est “tout à fait possible”, mais requiert avant tout “un esprit et le sens de la responsabilité”.