Quels défis pratiques (compétences requises, aspects juridiques et fiscaux, choix des partenaires financiers, mise en place de systèmes de contrôle éthique) sont identifiés comme majeurs lors de la mise en œuvre de ces stratégies et outils ?
La mise en œuvre des stratégies et outils d’autonomie financière pour les OD/ONG peut présenter plusieurs défis pratiques. Voici quelques-uns des principaux défis identifiés.
COMPÉTENCES REQUISES ET CAPACITÉ INSTITUTIONNELLE #
- La première condition essentielle pour créer et faire fonctionner les outils et mécanismes financiers est la compétence du personnel au sein des OD/ONG. Ces compétences nécessitent des études universitaires, beaucoup de pratique, de la rigueur, une honnêteté totale et une compréhension de la finalité de l’action au service des organisations de base.
- Si l’OD/ONG ne dispose pas du personnel nécessaire, elle devra le recruter, sachant que ces cadres sont difficiles à trouver et exigent des salaires comparables à ceux du secteur privé. L’OD/ONG devra éviter de recruter du personnel moins compétent pour des raisons de coût.
- Une capacité institutionnelle renforcée est une autre exigence pour s’engager dans une stratégie d’autonomie via des mécanismes financiers complexes. Les petites ONG doivent commencer par des outils simples et progresser vers des systèmes plus complexes.
- Pour des mécanismes de type capital-risque, fondation ou fonds/capitaux, l’ONG doit avoir acquis une expérience importante, une maîtrise institutionnelle et financière totale, ainsi que des fonds propres lui permettant de contrôler les opérations.
- La gestion des activités économiques nécessite de nouvelles compétences et entraîne des modifications des pouvoirs au sein de l’organisation.
- Les principales demandes des entreprises de développement incluent un accompagnement compétent en gestion, la maîtrise de l’approvisionnement et de la commercialisation, la maîtrise des flux financiers et le financement des investissements.
- L’insuffisance des compétences en organisation et en gestion, ainsi que le manque de maîtrise des techniques et de la productivité, constituent des blocages internes importants.
- Plus les mécanismes financiers sont complexes, plus il faut de compétences, souvent situées en ville, ce qui peut entraîner un risque de centralisme. Le conseil d’administration doit veiller à équilibrer centralisme et décentralisation.
- La formation est essentielle pour renforcer les capacités institutionnelles des ONG dans le domaine du financement d’entreprise. Un programme de renforcement institutionnel peut inclure l’évaluation des besoins, la diversification du portefeuille, la gestion de l’information, la planification opérationnelle, les liens ONG/banque, les procédures opérationnelles de crédit, l’audit organisationnel et institutionnel, la planification stratégique, la gestion du personnel, les relations avec le conseil d’administration, la recherche de financement, le management financier, la gestion des programmes, le suivi et l’évaluation, et l’élaboration de plans de gestion et de formation.
- Les compétences en négociation sont importantes, notamment pour la recherche de financement et le lobbying.
ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUX #
- Les dirigeants d’OD/ONG négligent souvent les aspects juridiques et fiscaux de leur action, se contentant du statut d’association sans but lucratif, ce qui peut devenir limitant dans une démarche d’autonomie.
- Lorsqu’on s’engage dans l’économique, il faut savoir utiliser les statuts juridiques des sociétés commerciales, groupements d’intérêts économiques (GIE) ou sociétés anonymes (SA).
- Les mécanismes financiers qui exigent une personnalité juridique distincte de l’OD/ONG doivent avoir des statuts, un règlement intérieur et des règles de gestion précises. Il est indispensable de connaître la législation de chaque pays et de s’y référer. Dans certains cas, pour contourner une législation trop rigide, la création d’institutions supranationales au niveau sous-régional peut être envisagée avec d’autres partenaires.
- Le problème de la fiscalité devient très important dans les activités économiques, car les profits sont généralement taxés. La gestion financière et comptable de l’OD/ONG et des entreprises créées est donc cruciale, nécessitant l’appui de personnes compétentes (experts comptables, juristes, fiscalistes).
- La recherche ou la négociation d’exonérations fiscales ou de droits de douane pour le matériel importé est une question à régler rapidement.
- Les aspects juridiques doivent être pesés au niveau du projet et des délégations régionales lors du choix des statuts juridiques.
- Un règlement financier doit être rédigé dans toute organisation qui veut se développer, car la gestion financière est souvent complexe et exige de la précision.
CHOIX DES PARTENAIRES FINANCIERS #
- Le choix des partenaires financiers est une question importante à résoudre.
- Il est essentiel d’identifier ses alliés et de construire en complicité avec eux une stratégie d’autonomie financière.
- Les OD/ONG doivent identifier les organisations (non gouvernementales, gouvernementales, intergouvernementales, fondations) qui comprennent l’importance de l’autonomie financière et qui orientent déjà leur politique vers le soutien à ces mécanismes.
- Les banques commerciales nationales considèrent rarement les programmes des OD/ONG comme des partenaires intéressants, préférant travailler avec des acteurs économiques plus importants. Cependant, certaines banques commerciales peuvent devenir des partenaires privilégiés après quelques collaborations réussies.
- Il est indispensable d’engager les banques à plus de souplesse face aux exigences du développement des activités économiques des OD/ONG.
- La coopération avec les banques (celles qui manifestent des désirs d’ouverture) et les sociétés d’investissement doit se développer. Des alliances entre organisations d’appui, sociétés d’investissement, banques et organisations populaires existent mais nécessitent d’être renforcées.
- La constitution de caisses d’épargne et de crédit ou de banques populaires avec les OD et leurs membres est une option, mais ces systèmes peuvent rencontrer des difficultés à prêter localement l’épargne collectée.
- Lors de la création de mécanismes financiers complexes, il peut être nécessaire de faire appel aux participations financières des banques régionales de développement et de l’aide internationale, ce qui nécessite de se regrouper et de consulter des partenaires compétents.
- Il faut être attentif aux conditions de prêt du capital-risque, qui peuvent dépendre de l’organisation promotrice ou des conditions du marché bancaire.
- L’établissement de relations de partenariat concernant non seulement le financement, mais aussi l’élaboration de politiques, la planification et le contrôle des programmes, est crucial.
MISE EN PLACE DE SYSTÈMES DE CONTRÔLE ÉTHIQUE #
- L’éthique et le placement de fonds sont des questions importantes à considérer. Les gestionnaires du capital/promotion, s’ils appartiennent à une OD/ONG orientée vers le développement humain, se poseront un problème d’éthique concernant leurs placements bancaires. Il est possible de demander aux banques de ne pas investir dans des secteurs contraires aux valeurs de l’OD/ONG (armement, nucléaire) et d’encourager les investissements dans le développement et l’environnement.
- Il faut gérer avec rigueur la distinction entre le coût du système financier et le coût de l’accompagnement, en utilisant une bonne comptabilité analytique pour distinguer les coûts sociaux des coûts financiers.
- Un système de contrôle global du capital, des moyens de production et de la répartition des bénéfices par les membres de l’association doit être organisé au sein de l’entreprise créée par l’OD/ONG, sans gêner son management.
- Le problème de l’éthique de l’entreprise qui vend ses biens et services se pose, notamment en ce qui concerne la rémunération du personnel qualifié.
- Il faut également considérer si l’on peut s’engager dans la production de biens contraires aux valeurs et règles religieuses.
- Le contrôle démocratique est un aspect essentiel, en veillant à ce qu’une priorité excessive donnée au management ou à des spécialistes recrutés ne se fasse pas au détriment de la participation des membres. Il est impératif de concilier efficacité technique et contrôle démocratique dans les mécanismes d’épargne et de crédit.
En résumé, la mise en œuvre de stratégies et d’outils d’autonomie financière pour les OD/ONG soulève des défis pratiques majeurs en termes de développement des compétences internes, de navigation dans les complexités juridiques et fiscales, de choix judicieux de partenaires financiers alignés sur la mission, et de mise en place de systèmes de contrôle éthique robustes pour garantir la cohérence avec les valeurs de l’organisation.