Quelles stratégies spécifiques de mobilisation des ressources locales (inventaire des ressources physiques/humaines/financières, épargne non monétaire, tontines, caisses mutuelles, cotisations) sont les plus détaillées et recommandées dans les ouvrages IRED ?
Concernant votre question sur les stratégies spécifiques de mobilisation des ressources locales, voici les plus détaillées et recommandées dans les ouvrages IRED :
1. L’INVENTAIRE DES RESSOURCES LOCALES (PHYSIQUES, HUMAINES, FINANCIÈRES) #
- Recommandation générale : Aucun programme d’activités économiques ne devrait démarrer sans que les dirigeants d’organisations de développement (OD/ONG) aient effectué au préalable un effort de recensement et de mobilisation des ressources locales déjà disponibles. Cet effort initial est crucial car il prouve l’engagement des initiateurs et augmente les probabilités de succès.
- Ressources Physiques : Il est essentiel de recenser et d’identifier les infrastructures et les équipements disponibles au niveau local ou régional. Cela inclut les routes, chemins, petits barrages, puits, grottes, hangars, systèmes d’irrigation, ainsi que les équipements détenus par des individus (tracteurs, pompes, décortiqueuses, etc.) dont l’utilisation par le plus grand nombre doit être optimisée, même avec une rétribution pour le propriétaire.
L’inventaire villageois et la monographie régionale ou de la ville sont des outils recommandés pour réaliser cet inventaire. Il faut également étudier la terre (cultures, propriété, conflits, superficies disponibles, terres irriguées), les forêts (distance, utilisation, produits), et l’eau disponible. - Ressources Humaines : Il faut identifier les compétences et les savoir-faire présents dans la population locale (paysans novateurs, artisans, groupes de femmes et de jeunes). La main-d’œuvre disponible, ses qualifications, et les connaissances techniques locales sont des atouts importants.
Il est également crucial d’identifier l’élite locale (villageois travaillant en ville ou à la capitale), ses compétences, et son influence, car elle peut apporter un soutien significatif (respect d’un droit, accès à la terre, crédit, appui, financement extérieur). On peut utiliser leurs compétences professionnelles dans la gestion des activités économiques (financement, marchés, gestion financière, organisation, conseil juridique) et les associer financièrement. - Ressources Financières Locales : La mobilisation de l’épargne existante dans le milieu, en particulier à travers les systèmes traditionnels comme les tontines, est une source principale de financement propre. Il faut également considérer les apports matériels spécifiques des membres des projets (animaux, terres, locaux, dons, prêts), ainsi que les cotisations ou participations obligatoires initiales. L’implication des élites locales pour orienter l’argent de leurs tontines vers de nouvelles activités ou pour prêter de l’argent à faible taux d’intérêt est également suggérée.
Le gouvernement local peut aussi contribuer en cédant des terres, des points d’eau, des équipements, ou en offrant des services à prix réduit. Il est essentiel de recenser les différentes possibilités d’obtenir localement des crédits auprès des systèmes traditionnels ou populaires d’épargne.
2. L’ÉPARGNE NON MONÉTAIRE #
- Description : L’épargne non monétaire comprend des formes d’épargne autres que l’argent liquide, comme la thésaurisation (bijoux, troupeaux, argent enfoui) et les banques de céréales.
- Recommandations : Bien que la thésaurisation soit considérée comme une fortune qui ne “travaille” pas pour le développement, les banques de céréales sont présentées comme un outil utile. Le stock initial peut être constitué par des apports en nature des familles membres (sacs de mil, maïs, riz), évitant ainsi l’achat à l’extérieur.
3. LES TONTINES #
- Description : Les tontines sont un outil privilégié de l’épargne traditionnelle en Afrique, tant en milieu rural qu’urbain. Leur système simple repose sur des contributions régulières des membres, la mise totale étant remise à tour de rôle à chacun. Elles fonctionnent sur la confiance et la connaissance mutuelle.
- Recommandations : Bien que l’épargne des tontines serve souvent à financer des dépenses sociales non productives (écolage, santé, habitat), certaines tontines de personnes plus aisées peuvent générer des sommes importantes utilisées pour investir et créer de petites entreprises. Il est recommandé de privilégier et de moderniser ce système de mobilisation. On peut également orienter l’argent des tontines des élites locales vers de nouvelles activités économiques. Cependant, il est noté que l’épargne des tontines sert principalement des objectifs sociaux et est rarement dirigée vers l’investissement économique de manière professionnelle.
4. LES CAISSES MUTUELLES D’ÉPARGNE ET DE CRÉDIT (CAISSES D’ÉPARGNE ET DE CRÉDIT, BANQUES POPULAIRES) #
- Description : Ces institutions sont considérées comme essentielles et proches des populations. Elles permettent de mobiliser l’épargne locale et de la redistribuer sous forme de crédit pour des investissements limités, notamment pour les petits producteurs (microfinance). Elles reposent souvent sur le système de la caution mutuelle.
- Recommandations : Leur création et leur développement sont cruciaux. Il est recommandé d’associer davantage les représentants des populations dans leurs décisions importantes pour une gestion participative orientée vers le développement local et durable. Il faut veiller à ce que l’épargne locale collectée soit réellement utilisée pour le développement local et ne soit pas détournée vers des placements extérieurs sans bénéficier aux populations locales.
Le rôle principal de ces caisses est de mobiliser l’épargne locale et de la redistribuer en évitant sa fuite du circuit de développement local. Leurs besoins en financement sont liés à l’augmentation de leurs capitaux, à la formation de leur personnel et à la création de bureaux d’études compétents pour la gestion du risque et la distribution du crédit. Elles sont un pont essentiel entre le secteur informel et formel. Il est important de soutenir ces institutions et d’y investir l’épargne locale.
5. LES COTISATIONS ET PARTICIPATIONS (EFFORT PROPRE) #
- Description : L’effort propre des intéressés, sous forme d’apport en nature, en travail ou en argent, est fondamental pour tout développement. Les cotisations ou les participations obligatoires initiales (prise de parts, achat d’actions) constituent des ressources financières internes.
- Recommandations : Il est vivement conseillé de constituer cet apport propre dès le lancement des projets économiques. Les banques exigent souvent une preuve d’apport propre (au moins 25% du coût du projet) pour accorder un crédit. Il est regrettable que l’apport propre en travail bénévole soit rarement pris en compte par les banques et les agences d’aide. Il est donc essentiel de valoriser et de mobiliser ces ressources existantes localement. La naissance d’une OD/ONG commence souvent avec ses ressources propres : cotisations, parts sociales, apport en travail, en nature.
En résumé, les ouvrages de l’IRED mettent fortement l’accent sur la nécessité d’un inventaire exhaustif des ressources locales sous toutes leurs formes comme point de départ. La mobilisation de l’épargne locale, à travers des mécanismes traditionnels adaptés comme les tontines, et le développement et le soutien des caisses mutuelles d’épargne et de crédit sont présentés comme des stratégies clés et détaillées pour un financement autonome. L’importance de l’effort propre et des cotisations des membres est également soulignée comme un fondement essentiel pour le lancement et la crédibilité des projets.