Quels sont les principaux défis, risques, et compromis (ex: dérive de mission, instabilité, conflits d’intérêts) associés à la poursuite de l’autonomie stratégique et à la mise en œuvre des modèles économiques associés pour les ONG/OSC en Afrique ?
La poursuite de l’autonomie stratégique et la mise en œuvre de modèles économiques associés pour les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et les Organisations de la Société Civile (OSC) en Afrique présentent plusieurs défis, risques et compromis. Voici quelques-uns des principaux aspects à considérer :
DÉFIS LIÉS À LA DÉPENDANCE DES BAILLEURS DE FONDS INTERNATIONAUX #
- Les OSC africaines sont souvent confrontées à l’obligation de se tourner vers une poignée d’entités de financement, majoritairement étrangères, en l’absence d’opportunités de financement local. Cette situation engendre une dépendance qui expose les OSC au risque de perte de financement en fonction des priorités stratégiques et des fluctuations politiques des bailleurs.
- Les bailleurs de fonds internationaux imposent des critères particulièrement exigeants pour s’assurer de la bonne gestion des fonds et du respect de l’agenda politique de leur pays, ce qui peut entraver le bon fonctionnement de l’OSC. Ces critères incluent souvent l’audit et la certification des comptes, la preuve d’une existence légale, une bonne structuration de l’organisation, et une expérience financière dans la gestion de grands financements, autant d’obstacles pour les OSC de petite taille.
- Les OSC sont parfois obligées de respecter les thématiques proposées par les bailleurs, même si elles ne correspondent pas entièrement à leur domaine d’action initial ou aux besoins des communautés sur le terrain. Selon le rapport Epic-Africa 2019, seulement 20% des subventions soutiennent la mission de base des OSC, les contraignant à des actions inadaptées aux besoins locaux mais conformes aux objectifs des bailleurs.
- Pour sécuriser les financements, les OSC acceptent parfois des conditions et des objectifs souvent irréalistes imposés par les bailleurs de fonds.
RISQUES DE DÉRIVE DE MISSION ET DE PERTE DE LÉGITIMITÉ #
- Le phénomène de priorisation des objectifs des bailleurs peut nuire à la légitimité du travail des OSC auprès des populations locales. Une OSC en pleine croissance peut être perçue comme un administrateur des volontés des bailleurs plutôt que comme un membre de la communauté locale, s’éloignant ainsi de son image et de sa mission initiale.
- Mettre en place des actions inadaptées aux besoins des populations locales ou trop ponctuelles pour satisfaire les objectifs des bailleurs peut également nuire à la légitimité des OSC.
DÉFIS LIÉS À L’ACCÈS AUX FINANCEMENTS ALTERNATIFS #
- Malgré la diversification des sources de financement souhaitée (fonds régionaux, financement privé, financement participatif), les OSC de petite taille en Afrique centrale se heurtent à d’importants défis pour y avoir accès, notamment en raison du manque de personnel qualifié et de la faiblesse des structures.
- L’accès au financement privé pour les OSC locales est actuellement limité.
COMPROMIS ET RISQUES ASSOCIÉS AUX PARTENARIATS ET CONSORTIUMS #
- Les partenariats établis avec les bailleurs de fonds ou d’autres ONG sont souvent déséquilibrés et peuvent entraîner de nouvelles difficultés pour les OSC locales de petite taille.
- Les OSC se retrouvent contraintes de jongler avec les intérêts de divers acteurs : bailleurs, gouvernement local, autres OSC (concurrentes ou collaboratrices), bénéficiaires et membres.
DÉFIS OPÉRATIONNELS ET DE GESTION #
- Le manque de personnel hautement qualifié et la faiblesse des structures et des mécanismes de gouvernance constituent des freins structurels à l’accès aux financements.
- Les OSC ont parfois beaucoup de mal à obtenir des justificatifs de règlement conformes aux normes de comptabilité des bailleurs, ce qui peut créer des suspicions.
- La gestion rigoureuse des fonds demandée par les bailleurs est souvent calquée sur celle des OSC des pays occidentaux, sans tenir compte des réalités locales en Afrique centrale.
En conclusion, la poursuite de l’autonomie stratégique par les ONG/OSC africaines implique de naviguer à travers des défis complexes liés à la dépendance financière, aux risques de dérive de mission et à la nécessité de développer des modèles économiques alternatifs tout en renforçant leurs capacités opérationnelles et en gérant des relations potentiellement déséquilibrées avec divers partenaires. Une analyse critique des dynamiques de pouvoir dans les opérations des ONG est cruciale pour proposer de nouvelles stratégies d’engagement.